jeudi 25 mars 2010

Les désobéisseurs dans le Gard

Depuis plus d'un an, des enseignants du 1 er degré s'opposent aux programmes scolaires.
Le déclic ? La lettre d'Alain Refalo à son inspecteur d'académie. Dans ce courrier de 2006 intitulé "En conscience, je refuse d'obéir", l'enseignant de Gironde dénonçait « la déconstruction de l'Education nationale ». « Ce jour-là, ça m'a fait un choc, avoue Pierre Gaussorgues. C'était un geste fort, significatif. Je me suis dit "et moi ?" J'y ai pensé avec mes collègues, et puis je me suis lancé, je suis devenu désobéisseur. » Discret, minoritaire, le mouvement des enseignants désobéisseurs - qui refusent d'appliquer des réformes du ministère de l'Education nationale -, débuté l'an passé n'a pas disparu : 87 enseignants (sur 2 650 enseignants en 1 er degré) le suivent dans le Gard, la plus grande majorité est issue du bassin alésien. A Nîmes, l'école maternelle Courbet, avec sept désobéisseurs sur neuf enseignants, semble la plus active. « On se sent un peu désabusés, écoeurés. On n'est pas parvenus à mobiliser plus de collègues, c'est un mouvement qui est mal vu des syndicats, admet la directrice Jo Menut. Mais nous continuons, nous restons mobilisés contre toutes ces dérives. »« Il est vrai que dans l'enseignement, nous ne sommes pas conditionnés à dire "non", mais là, la mission-même de l'apprentissage est mise en cause. »
Hier matin, devant l'inspection académique, une vingtaine s'est retrouvée pour demander la tenue d'Etats généraux de l'école. « Nous dénonçons une régression idéologique, témoigne Laurence Baldit, directrice à Saint-Ambroix. Jusqu'à présent, nous nous opposions à des dérives comptables, des suppressions de postes mais là, ça touche vraiment le fond des programmes. C'est, nous semble-t-il, bien plus grave. » Dans un document qu'elle tient en main, elle cite des exemples concrets : en histoire géographie, le Code civil, premier document mettant fin aux privilèges en France, n'est plus au programme ; « la domination des seigneurs sur les paysans » est intitulée « les relations entre seigneurs et paysans ». En français, la lecture de textes littéraires de 80 lignes inscrite au programme de 2002 se réduit maintenant à 35 lignes. Un autre manifestant souligne l'apparition d'évaluations en grande section, d'un carnet de sixième en classe de CM2... « Quel intérêt si ce n'est de classer les écoles ? Où est l'intérêt de l'enfant ? » Dans le Gard, les désobéisseurs n'ont reçu ni sanctions, ni mutations. A Montpellier, l'un de leurs collègues, Bastien Cazals, qui avait écrit au président de la République, se voit retenir 1 400 € sur salaire pour son action.